Quelles sont les causes profondes (politiques et géopolitiques) des problèmes actuels d'EDF ?


Outre la politique ou l'irresponsabilité électorale, il y a des raisons géopolitiques. J'en vois 4.

1- Ecolobbies politiques (4% aux élections, simple rappel)
En exploitant la peur "l'énergie nucléaire est dangereuse !", le mensonge "l'énergie éolienne/solaire est propre et plus efficace", l'aveuglement anti-science (gaspillage) et la manipulation médiatique "nous sommes derrière l'Allemagne", ces lobbies réussissent à imposer :
-L'interdiction d'extraire le gaz et du pétrole de schiste alors que nous avons plus ou moins 30 ans de réserves de pétrole et plus ou moins 90 ans de réserves de gaz naturel qui peuvent être extraites par d'autres méthodes que la fracturation hydraulique et qui sont non polluantes.
-L'arrêt de la construction de nouvelles centrales nucléaires.
-Abandon des nouveaux projets Superphénix et Astrid (qui auraient pu résoudre les problèmes de déchets).
-Procédure judiciaire de fermeture de 12 centrales nucléaires, actée avec Fessenheim.
Créé par des apprentis sorciers, ce climat a plongé l'exemplaire secteur énergétique français dans une spirale suicidaire, une déperdition progressive des compétences et l'ère des prédateurs étrangers.





2- Les gouvernements Allemands
Lorsque le chancelier allemand Schröder (futur président du conseil d'administration de Gazprom) a commencé à retirer son pays de la filière du nucléaire, puis a confirmé ce choix dramatique avec Merkel, l'Allemagne s'est rendu compte qu'avec l'ouverture des marchés européens, elle se dirigeait automatiquement vers la dépendance à EDF, alors la première compagnie d'électricité au monde, et donc sur la France ! C'était impensable pour le gouvernement Allemand, même impossible. Plutôt le gaz russe que l'électricité d'EDF !
Comme vient de le confirmer l'ancien président d'EDF Henri Proglio, le gouvernement Allemand va alors tout faire pour casser le pouvoir et le monopole d'EDF. Ils exploiteront l'Union Européenne, leur principal pilote, et l'idéologie libérale qu'elle a héritée du Royaume-Uni.

Au nom de la libre concurrence sur le marché de l'électricité d'une part, et de la lutte contre le réchauffement climatique d'autre part, EDF a été contraint de livrer le quart de sa production à des traders qui la revendent ensuite au prix de marché et empochent une large plus-value (loi NOME et dispositif ARENH de 2010). Ce profit devait leur permettre d'investir dans les énergies renouvelables, mais ils ne feront rien, l'argent a disparu. En parallèle est créé un marché unique européen de l’électricité et un prix unique du KWh basé sur le coût marginal, c’est à dire le plus cher (actuellement le gaz) pendant les périodes de tension en vertu du principe "d’ordre du mérite" (on met logiquement en route les moyens de production les plus chers en dernier). Exit le prix régulé (= coût moyen).

Nicolas Sarkozy, alors chargé de protéger les Français, accepte... Un tel système est extrêmement néfaste pour le nucléaire. Contrairement aux éoliennes mais surtout au gaz, c'est une industrie de très long terme nécessitant des investissements initiaux importants et des coûts d'exploitation relativement faibles. Par conséquent, l'énergie nucléaire est sanctionnée très fortement sur le marché momentané. Mais cela ne s'arrête pas là. le gouvernement pousse fort pour retirer le nucléaire de la liste des énergies vertes (la fameuse taxonomie) et pour démanteler EDF (le fameux projet Hercule). Heureusement pas de succès jusqu'à présent.




3- Les politiques français
Ils ont tout accepté par peur du lobby écologiste, et au nom d'une "solidarité européenne" incomprise :
-Jospin a accepté un accord électoral avec les Verts en 1997 pour stopper le projet de surgénérateur Superphénix et le réacteur du Carnet, qui devait remplacer la centrale à charbon (!) de Cordemais (elle fonctionne cet hiver à plein régime)...
-C'est encore le gouvernement Jospin qui accepte finalement l'exclusion par l'UE du nucléaire du développement "propre".
-Sarkozy a accepté un marché unique européen de l'électricité et des marchés français "ouverts à la concurrence", obligeant EDF à vendre un quart de sa production d'électricité à prix coûtant aux négociants. Même les Allemands n'y croyaient pas...
-Et enfin Macron qui a stoppé le projet Astrid de réacteur de quatrième génération en 2019, invoquant "le bas prix de l'uranium"... Qui a différé la maintenance des centrales, qui a fermé l'usine de Fessenheim qui était encore en parfait état de fonctionnement... Avant de retourner sa veste sous la contrainte.
Que d'inventivités les enfants !




4- Fournisseurs et distributeurs de gaz naturel, gaz de pétrole liquéfié et produits similaires.
Ce sont les Russes, les Américains (qui extraient du gaz de manière particulièrement polluante grâce à la fracturation hydraulique) et le Qatar (premier exportateur mondial de gaz). Ce sont aussi des commerçants de gaz. Tous ces acteurs font pression de manière non coordonnée pour que l'Europe abandonne l'énergie nucléaire et le forage de gaz de schiste, et passe à l'éolien/solaire pour vendre plus de gaz. Car ces sources d'énergie "décarbonées" sont de grandes consommatrices de gaz naturel ou de charbon en raison d'une production intermittente, instables et d'un faible rendement (moins de 30 % par rapport à la capacité installée). C'est pourquoi nos 7 000 éoliennes de 20 GW génèrent moins de 2% de l'électricité qu'elles consomment en janvier 2022, un mois froid et... Sans vent. Oh merde alors. Pour rappel l'énergie nucléaire a été classée comme décarbonée. Tout ce temps perdu...
On sait notamment que Gazprom a versé au moins 192 millions d'euros de subventions à des lobbies et fondations écologistes allemands en 2021 pour accélérer la lutte antinucléaire, le passage à l'éolien/solaire et la construction de NordStream2. L'Allemagne enquête d'ailleurs sur plusieurs autres cas.
De forts soupçons touchent également l'actuel ministre belge de l'Energie, une ancienne avocate dont le plus gros client est Gazprom et qui travaille au démantèlement complet du parc nucléaire belge.


Le bon côté de cette catastrophe est qu'elle a été annoncée avant le démentèlement d'EDF, qui a finalement ouvert les yeux de nombreux Français et Européens :
-Le couple vent/solaire n'est pas efficace (si la Bavière n'a ni vent ni soleil, les éoliennes de Hambourg ne suffisent pas à compenser).
-Les soi-disantes "énergies renouvelables" c'est beaucoup de matières premières, des terres rares et du gaz russe, maintenant américain et qatarien. L'Allemagne continuera bien sûr d'importer du gaz naturel à grande échelle.
-L'énergie nucléaire est décarbonée, l'uranium peut être régénéré, et c'est beaucoup moins dangereux qu'on ne le pense.
Cette situation doit aussi nous permettre de casser ce système mis en place de manière irresponsable par les Allemands et les producteurs de gaz. Il faut revenir à un marché régulé sans fausse concurrence. Cependant nous avons pris beaucoup de retard et perdu des compétences.

"Comment voulez-vous que l’Allemagne accepte que la France dispose d'un outil compétitif aussi puissant qu'EDF à sa porte ? L'obsession allemande depuis trente ans, c'est la désintégration d'EDF. Ils ont réussi." (…)
"L’Allemagne est consciente de ses propres enjeux et de ses propres intérêts." "En revanche contre "le sacrifice d'EDF (..) la France, elle, n'a rien négocié".
Henri Proglio, ancien PDG d’EDF, le 13 décembre 2022, devant la Commission d’enquête parlementaire sur la perte d’indépendance énergétique du pays.

"Les instances gouvernementales que j’ai servies, malgré des avertissements répétés, n’avaient pas la souveraineté et l'indépendance énergétique dans leurs priorités. Le suivisme vis-à-vis de la politique énergétique de nos voisins allemands était total."
Yves Bréchet, ancien Haut-commissaire à l’énergie atomique, le 29 novembre 2022 devant la Commission parlementaire sur la souveraineté et l’indépendance énergétique.


En résumé, EdF est la principale victime de la guerre économique ridicule franco-allemande. Les verts subventionnés et manipulés par l'Allemagne ont joué sur les peurs. L'Allemagne avait besoin que son énergie soit bon marché pour son industrie et également avait besoin que l’énergie française soit plus chère pour éliminer un dangereux concurrent. Comme la France est en déséquilibre budgétaire permanent et a besoin de l'Allemagne pour fermer les yeux sur le non-respect des critères financiers de déficit et d'endettement, il a bien fallu négocier. On a négocié la poursuite des mauvaises pratiques contre le futur économique. Certes, on ne remboursera jamais, ou plutôt on n'arrêtera pas de creuser le trou de la dette. Ce qui un jour se paiera par une grande crise qui emmènera les 2 protagonistes au fond du trou. La crise Ukrainienne est une bénédiction car elle permet de stopper l'élan allemand. Les Etats-Unis étaient fort mécontents également de l'option gaz russe prise par l'Allemagne. Consolons-nous en pensant que s'il n'y avait pas l'Europe, les négociations se seraient plutôt faites par les armes...



10 janvier 2023




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