Adolf Hitler et le parti nazi étaient-ils de droite ou de gauche ?


Depuis des années le parti nazi est devenu une sorte de partie de Ping Pong, ou chaque camp essaye de le ranger dans celui d’en face, usant de sophismes et d’interprétations déformées de l’histoire. C’est pourquoi nous allons d’abord expliquer d’où viennent les concepts de gauche et de droite, ce qu’ils sont, le parcours politique d’Adolf ainsi que son programme.




1) C’est quoi la gauche ? C’est quoi la droite ?

Avant d’aller plus loin, mieux vaut partir d'une définition précise qui soit la même pour tous, de peur qu'il n'y ait des malentendus sans fin qui n'aboutissent à rien de sensé. Dès la Révolution française, le clivage gauche-droite est issu de la scission autour de la royauté. Après la révolution, les adversaires les plus farouches du roi se placèrent à gauche du parlement, tandis que les Girondins les plus conciliants se placèrent à droite en faveur de sa grâce. D'une manière générale, ce sont deux philosophies différentes. La gauche est plus préoccupée par le concept d'égalité, la droite est plus préoccupée par la liberté.

Ces confusions ne seraient pas un problème si le socialisme et le libéralisme n’étaient pas assignés d’office à ces deux philosophies. Ce n'est pas la meilleure façon de faire avancer nos idées, d’autant plus que le libéralisme a de moins en moins de partisans du côté de la droite.

En fait, il faut bien comprendre que gauche et droite d'une part, et libéralisme-socialisme d'autre part, renvoient à des choses qui n'appartiennent pas du tout au même champ. Le libéralisme et le socialisme appartiennent au domaine de la pensée politique. La gauche et la droite sont des sensibilités politiques, c'est-à-dire un ensemble de préoccupations instinctives qui dépendent du sujet traité.

Il n’y a donc aucune idée politique qui puisse être classée comme strictement de gauche ou de droite. Au lieu de cela, historiquement la pensée politique s'est toujours propagée dans le domaine de l'émotion politique, toujours de gauche à droite.

En suivant cette logique la population se répartit comme cela :
A droite nous pouvons retrouver :
-Les réactionnaires, les partisans du "c’était mieux avant", et qu’il faudrait renverser l'ordre politique existant pour revenir au statu quo souvent idéaliste du passé.
-Nous avons aussi les conservateurs, généralement la population plus âgée et plus sédentaire économiquement, qui est très intéressée par le maintien du système et s'inquiète de tout changement éventuel.
Cette droite se caractérise par des tendances pessimistes, portant un discours du déclin, et dont les valeurs défendues et encouragés sont l'ordre, l'autorité, la liberté, la tradition, et le respect des institutions.

A gauche il y a:
-Les progressistes, qui pensent que les choses peuvent être améliorées et que si nous changeons, ce sera forcément mieux. Une population généralement plus jeune et moins stable économiquement, qui croit que la réforme gagnera et critique les pratiques traditionnelles. D’un penchant optimiste, idéalisant les discours dissidents, souvent critiques vis-à-vis des conservateurs.
-Nous retrouvons également les révolutionnaires, ceux qui pensent que le système est entièrement gangrené ou corrompu, que ce qu’il y a eu avant est tout aussi mauvais ou pire, et qu'il faut établir de nouveaux idéaux. Ce sont eux qui profiteraient le plus d'un changement de paradigme soudain.

Cette structure facilite la circulation des idées. Un exemple simple est la valeur travail. C’est une idée qui est née à l’extrême gauche. Ce sont les soviétiques qui ont envoyé les intellectuels travailler aux champs, parce que "tout le monde doit bosser". Aujourd’hui la valeur travail est une idée majoritairement défendue à droite, beaucoup moins du côté de la gauche.

Un autre bon exemple d'un changement de sens est le système politique.


Regardez ce tableau qui présente les régimes politiques défendues par les différentes sensibilités de la révolution jusqu’à la fin du 20ème siècle. Je précise que les dates sont approximatives. On voit clairement le glissement de la pensée politique de gauche à droite. La défense de la monarchie pouvant être aisément classée à droite et à l’extrême droite, mais aujourd’hui plus aucun parti politique de droite n’est anti-républicain. Je vous renvoie à l'article sur le sujet.

Aujourd'hui, certains analystes disent à tort que la France est de gauche parce que le socialisme y est profondément ancré depuis 40 ans. Assimiler la gauche au socialisme est une erreur. Charles Maurras qu’on peut assimiler facilement à l’extrême droite, était un socialiste sur le plan économique. Il critiquait le libéralisme et la bourgeoisie. Il prônait un national syndicalisme proche des mouvements anarchistes pro décentralisation. (1, 2)
L’historien israelo-polonais Zeev Sternhell accusa d’ailleurs Charles Maurras d’être à l’origine du fascisme à cause de son idéologie nationale-socialiste.

Pensez également au libéralisme. Du 19ème jusqu’à la première moitié du 20ème siècle, le libéralisme est une valeur complètement à droite, quand la gauche s’est davantage penchée vers le socialisme.

Dans les années 1980, il n’y avait plus que le front national pour aborder une position libérale. Aujourd'hui politiquement le libéralisme a disparu de tous les partis politiques de droite, remplacé par le national-socialisme promu par Marine Le Pen.

On pourrait citer les exemples comme ça pendant des heures :
-Le drapeau tricolore qu'on aperçoit en grand nombre dans les meetings de droite alors que la droite post-napoléonienne anti-républicaine n’en voulait pas. (1, 2)
-La République laïque reconnait ses plus ardents défenseurs à droite alors que celle-ci était profondément attaché au conservatisme religieux après 1905.
-La décolonisation prônée par la gauche dans les années 60 alors que c’était elle accompagné des discours de Jules Ferry qui avait théorisé la mise en œuvre de la colonisation. (1, 2)




2) Le programme politique d’Adolf Hitler

Adolf Hitler était un socialiste politiquement. Plusieurs éléments confirment cela :
-Son discours de 1920 à Munich : "Le socialisme est le concept ultime du devoir, l’impératif éthique du travail, non seulement pour soi mais encore pour le salut de nos frères ; il est par-dessus tout le principe du Bien commun avant le profit personnel, la lutte contre tous les parasitismes et spécialement contre le profit facile et immérité."
-Son discours de 1931 : "Pour le dire clairement, nous avons bel et bien un programme économique. Le point n°13 de ce programme exige la nationalisation de toutes les entreprises d’utilité publique, ou en d'autres termes, la socialisation, ou ce que nous appelons ici le socialisme. Le principe fondamental du programme économique de mon parti doit être précisé clairement, et celui-ci est le principe d'autorité. Le bien-être de la communauté doit passer avant le bien-être de l'individu. L’État doit garder le contrôle. Chaque propriétaire doit se sentir comme un agent de l’État ; il est de son devoir de ne pas utiliser sa propriété au détriment de l’État ou de l'intérêt de ses compatriotes."
-Dans le programme de février de 1920 issu de son célèbre livre Mein Kampf, les articles 11 à 17, ainsi que les articles 20 et 21, sont des revendications socialistes. Tous ces articles permettent de dégager un schéma d’ensemble de la politique d’Hitler : Ouverture de l'école à tous, promotion du sport, aides financières comme les bourses à ceux qui le mérite, fin de la propriété privée et début de la propriété collective, politique de dépenses publiques et de redistribution des revenus, etc.

Adolf Hitler était donc socialiste avant d’arriver au pouvoir. Mais est-ce que cela voudrait dire qu’il était de gauche pour autant ? Non. Bien sûr que non. Hitler méprisait les valeurs de gauche comme il méprisait les valeurs de droite. Il est très clair que le nazisme n'est pas de gauche, la suppression des syndicats dès l'arrivé d'Hitler au pouvoir est assez claire sur ce point. S’il y a bien eu une mouvance anticapitaliste apparentée à la gauche ouvrière incarnée par Ernst Röhm et sa section d’assaut, il sera liquidé par Hitler durant la nuit des longs couteaux. Il y a bien eu l'exploitation d'une rhétorique anticapitaliste, et pas que chez Röhm, mais d'une manière particulière. Le projet étant de remplacer la lutte des classes par la lutte des races. Selon l’historien Johann Chapoutot : "Il est convaincu que la gauche comme les juifs incarnent l'internationalisme alors que la seule réalité qui soit, c'est la nation, une nation définie en des termes biologiques qui exclut tout ce que la gauche représente : l’universalisme parce qu'il n'y a même pas d'humanité universelle pour les nazis, et l'humanisme. On est aux antipodes absolus de ce que la gauche représente depuis le XVIIIe siècle"



A tout cela on peut rajouter aussi l’antiparlementarisme, la centralisation du pouvoir autour de l’Etat.

Au final, si le parti nazi est très loin d’être un parti de gauche, il n’est pas non plus de droite, car l'argent et le profit n’est pas son moteur. Le nazisme est également anticapitaliste et anti libéral, avec une vision très autarcique et rurale de l'économie. Les nazis détestaient les capitalistes. Ils représentaient les Etats-Unis qui figuraient sur leur liste noire. Dans Mein kampf il déclarait : "La lutte contre la finance internationale et le capital de prêt est devenu le point le plus important de la lutte de la nation allemande pour son indépendance et sa liberté économique."
C'est également marqué par le fait qu'ils se sont senti trahi par la finance, les banques, après le crash boursier de l'époque et d'avantage par l'embargo sur l'importation de matière première et de carburant. Le parti nazi revendiquait même la mort du libéralisme.

La raison pour laquelle le nazisme a été classifié de droite c'est parce que en tant que leader il ne pouvait pas y avoir deux figures de l'idéologie révolutionnaire socialiste : Adolf Hitler et Joseph Staline. Hitler déclarant même à Hermann Rauschning en 1934 : "Ce n'est pas l'Allemagne qui va devenir bolchevique mais le bolchevisme qui se transformera en une sorte de national-socialisme. En plus il y a plus de liens qui nous unissent au bolchevisme que d'éléments qui nous en séparent. Il y a par-dessus tout, un vrai sentiment révolutionnaire, qui est vivant partout en Russie sauf là où il y a des Juifs marxistes. J'ai toujours fait la part des choses, et toujours enjoint que les anciens communistes soient admis dans le parti sans délai. Le petit-bourgeois socialiste et le chef syndical ne feront jamais un national-socialiste, mais le militant communiste, oui."




CONCLUSION :

Le nazisme n’était partisan ni de l'égalité, ni de la liberté. Vous ne pouvez les placer nulle part dans une assemblée. De toute façon ils n’en voudraient pas. Ils sont en dehors même de toute sphère politique, extrémistes avant tout.

Les nazis ont brillamment utilisé leur capacité à déformer tous les concepts pour les récupérer, pour leur faire dire ce qu'ils ne disent pas. On pourrait citer le détournement de philosophes comme Nietzsche, ou l'utilisation de symboles comme la croix gammée et le salut romain. C'est embarrassant de nos jours de vouloir accepter leurs mensonges pour en tirer quelque chose. C'est jouer à un jeu dangereux...

Le nazisme n'est pas un tout homogène et unique. La principale caractéristique du nazisme est qu'il n'a pratiquement pas de base idéologique. Tout son contenu est manipulé en fonction de son public. Il a mélangé les promesses sociales afin d'avoir une circonscription populaire, le nationalisme l'a familiarisé avec l'armée, le patronat il l'a acheté avec des commandes massives de l'État qui remplissaient leurs carnets de commande, et la liquidation des syndicats indépendants.

Sa seule logique est de conquérir et de conserver le pouvoir. C'est un parti révolutionnaire, mais pas de gauche ou de droite au sens politique. C'est un projet à la fois utopique et extrêmement réactionnaire. Même à ce stade précis, ils ne rentrent dans aucune des cases de notre époque, dans laquelle tous les partis sont présentés comme modernes et actuels...


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01 octobre 2022




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